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NOTES 613

« L'intelligence nationale au service de l'intérêt national tel est notre premier principe. »

Il faut pourtant choisir : ou bien l'intelligence française doit être mise au service des intérêts français ; et alors ce n'est plus elle qu'on défend ; c'est la France qu'on défend par elle, par son moyen. — Ou bien l'intelligence française est ce qui mérite avant tout d'être protégé, préservé, dégagé ; de cet ensemble de biens qu'est la France c'est celui que nous tenons pour le plus précieux ; c'est celui que nous voulons contre toute contrainte, c'est-à-dire contre toute influence, maintenir sauf ; et alors nous devons en effet le maintenir sauf, nous devons éviter de le mettre en gage, de le louer à qui que ce soit, fût-ce à notre patrie, fût-ce à nous- mêmes ; nous devons libérer notre réflexion de toute finalité préconçue, nous ne devons vouloir aboutir à quoi que ce soit d'autre qu'à ce que nous trouverons ; nous devons per- mettre à l'intelligence française de voir tout ce qu'elle voit, et de le dire, quoi qu'il en puisse résulter, fût-ce, pour emprun- ter une expression chère à Péguy, notre mort temporelle, fût-ce notre anéantissement par la foudre. (D'ailleurs je suis sans crainte ; si quelque chose aujourd'hui tout au contraire peut être pour nous bienfaisant et reconstituant, c'est bien la vérité directement et simplement perçue.)

Et sans doute, comme le dit le manifeste, « pour agir, il faut être » ; pour pouvoir penser librement, il faut d'abord que la France existe, il faut qu'elle ait un tronc et des membres, une « substance ». Mais, après tout, la France existe, il me semble. Elle existe même plus que jamais. Nous avons été vainqueurs, crois- je bien : il faudrait tout de même nous le rappeler. Parmi les signataires du manifeste il en est plusieurs qui ont contribué glorieusement à notre victoire, et devant qui je m'incline très bas, surtout quand je pense à la pauvre guerre que j'ai faite. Mais justement, comment se fait-il qu'ils refusent de tenir compte dans leurs raisonne-

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