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NOTES 615

que la Nouvelle Revue Française dévouât toutes les siennes. Comme les auteurs du manifeste, je suis persuadé qu'il n'y a pas aujourd'hui de tâche plus grande, plus urgente ; et, comme eux, je pense : plus profitable aux intérêts du monde entier, de la civilisation universelle.

Car c'est vrai que l'intelligence française est incompa- rable ; il n'en existe pas de plus puissante, de plus aiguë, de plus profonde. Dût-on m'accuser d'effronterie, j'irai jusqu'au bout de ma pensée : c'est la seule aujourd'hui qu'il y ait au monde. Nous seuls avons su conserver une tradition intel- lectuelle ; nous seuls avons su nous préserver à peu près de l'abêtissement pragmatiste ; nous seuls avons continué de croire au principe d'identité ; il n'y a que nous dans le monde, je le répète froidement, qui sachions encore penser. Il n'y aura, en matière philosophique, littéraire et artistique, que ce que nous dirons qui comptera.

Défense donc, « défense et illustration » de l'intelligence française. Mais pour Dieu ! faisons bravement consister toute cette défense en de l'illustration ! Ne perdons pas toute notre énergie à ces mesures de « salut public », dont les auteurs du manifeste semblent si préoccupés et qui n'ont rien à faire dans le domaine de la pensée ! Ne soyons pas soupçonneux, sourcilleux, tatillons ! Ne passons pas tout notre temps à monter la garde sur nos frontières intellectuelles « pour ne rien laisser entrer » ! Ne veillons pas sur notre ignorance comme sur un trésor ! N'ayons donc pas peur. Ce n'est pas notre genre. Soyons ce que nous sommes ! Illustrons l'intel- ligence française en comprenant tout ce qui est au monde à comprendre et en sympathisant avec par l'esprit ! Illus- trons-la par cette œuvre suprême, dont personne d'autre que nous n'est capable : l'analyse, la description, la traduc- tion en formules avant tout exactes de cet immense chaos que la guerre a créé. Quand nous aurons fait ça, nous aurons vraiment « pensé » notre victoire ; nous en aurons fait sortir

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