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646 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

tuel ne laissait pas transparaître et certains traits moraux assez odieux que Mme de Staël avait déjà pénétrés, encore que nos critiques lui aient généralement dénié Tintelligence des choses étrangères. Aussitôt la pensée s'est reprise instinctivement. Emportées par le mouvement national, avec l'ardeur d'ime passion morale, toutes les disciplines : science, art, philosophie — la religion exceptée — ont tenu à répudier tout contact étranger et sont devenues na- tionales.

Cette réaction naturelle n'a pas été exempte d'exagéra- tion. En donnant à la seule attitude que nous puissions concevoir, et que nous devions avoir actuellement, une signification rétroactive, en étendant au temps d'avant- guerre ce qui vaut pour ime époque de crise, on mécon- naîtrait gravement les conditions de la vie intellectuelle. Et tout jugement porté sur les échanges intellectuels d'avant-guerre cesse d'avoir une valeur positive, s'il est seulement l'expression d'im mouvement de sensibiUté. Car il ne sufl&t pas de haïr ; il faut trouver pour notre haine comme pour notre amour des raisons entières et durables. Il serait vain de regretter tout échange. Mieux vaut rechercher le sens de l'échange et s'appUquer à discerner dans les influences de pays à pays toutes les ganmies et les nuances qui s'y trouvent.

L'échange est nécessaire. Il secoue et rénove. La con- frontation de l'expérience que nous vivons avec celle que les autres peuples sont en train de vivre, fait que nous ne demeurons pas les esclaves d'habitudes acquises. Sans le va-et-vient des idées, la vie se retirerait de nous. Et l'esprit critique assure la continuité d'une vie spirituelle toujours changeante à la surface en ne demandant aux suggestions

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