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LA PENSÉE FRANÇAISE DEVANT LA GUERRE 655

patrie d'un Descartes mystique et halluciné, d'un Pascal, génie scientifique pris au piège du doute et se débat- tant dans les rets de Port-Royal. Un vent de piétisme souffle. Une dialectique morose place devant l'initiative et l'expansion humaine l'image du péché. Sur le monde entier, sur les êtres et les choses qui réjouissent l'artiste, elle répand une atmosphère de contrition. Naïvement insincère, tourmentée par la passion morale, elle se pare du devoir pour masquer sa confusion. Sans spontanéité, sans fantaisie et sans amour, elle est mauvaise ouvrière de vie.

A travers le siècle, un certain nombre d'esprits, obéissant à des considérations pratiques plutôt qu'à des exigences spéculatives, se sont donc laissé séduire par la sensibilité allemande. Ils ont introduit l'esprit métaphy- sique. La dissociation de la sensibilité et de l'intelligence, la prééminence de la sensibilité, la confusion dans les idées, qui s'ensuivirent, coïncidèrent avec une méconnaissance de l'esprit français. Replacé dans l'histoire des idées, le spiritualisme n'a ni l'ampleur ni l'importance qu'on lui prête. Il ne saurait mettre en cause la valeur de l'intelli- gence. Le mouvement intellectuel et scientifique, les modifications sociales, les événements historiques autour de lui ont transformé le monde. Maintenant, à son réveil, il éprouve une stupeur douloureuse et s'étonne de voir Wundt revendiquer avec âpreté Leibniz, philosophe allemand. Les discours de Pangloss ne nous avaient-ils pas mis au fait ? Et serions-nous si surpris aujourd'hui si Candide était, par hasard, devenu un livre clas- sique ?

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