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LE PÈRE HUMILIÉ 68ï

les yeux avec cette espèce de bonheur qui nous ôte le désir.

Vous dites que vous m'aimez, et moi je sais que c'est moi-même qui suis mon pire ennemi.

Vous dites que je dois voir pour vous, et je sais que ce sont ces yeux mêmes qui m'empêchent de voir et que je voudrais m'arracher !

Il est nécessaire que je ne me laisse pas mettre la main dessus. Pensée, vous êtes le danger pour moi.

La grande aventure vers la lumière, le diamant quelque part, il est nécessaire que j'en sois seul.

— Mon père, il y a un an, me disait d'aller vers les autres. Les autres ? Quels autres ?

Que m'importent les autres ? Quel bien est-ce que je puis leur faire ? Qu'est-ce que je suis capable de leur dire ? Quand on manque de tout soi-même, qu'est-ce que je suis capable de leur donner ?

Je n'ai qu'un devoir envers eux qui est que le mien propre soit rempli.

PENSÉE. — Quel ?

ORIAN. — Ah! n'est-ce pas mourir quand on est aveugle que de savoir que le soleil existe et qu'entre tant de rayons autour de cet objet éternel comme des épées il n'y en aura donc pas un seul pour nous, pour venir à bout de cette affreuse nuit inguérissable, — à se jeter dessus enfin à plein cœur avec un grand sanglot pour exterminer ce qu'il y a en nous de mortel et qui est deux fois mort déjà !

Vous ne me comprenez pas.

PENSÉE. — Je ne serais pas aveugle si je ne vous comprenais pas.

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