Page:NRF 13.djvu/723

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LE DERNIER CAPITALISTE


DÉCOR


Le tribunal prolétarien est installé dans le tribunal bourgeois.

À l’endroit, sur le mur, où de tout petits bourgeois avaient enlevé la croix, les révolutionnaires ont accroché une image qui représente le Travailleur Manuel Inconscient et Organisé. Encore un Christ qui sera crucifié par son église.

Les organisateurs de l’inconscience siègent derrière la table.

Il n’y a pas de juges, mais un jury. Il est élu par le peuple. (Il ne faut pas prendre ce mot dans son sens large, mais dans le sens étroit que les aristocrates lui donnaient, que les ploutocrates sous-entendent et que les intéressés retournent contre eux. Ce sont les manuels, les gens qui travaillent avec leurs mains. Les mains des esclaves de la machine sont gourdes. Autrefois, les manuels étaient gantés d’esprit.) Le jury est élu par le peuple, mais sélectionné par le Dictateur Délégué Suprême du Prolétariat. Le jury n’est formé que de trois hommes. Pas de président, un Premier-Juré qui départage ses acolytes tel Dandin des Plaideurs. C’est un meneur du Bâtiment, vigoureux, sonore comme un écu neuf, sensé, de l’espèce dont on faisait hier encore des petits patrons fort concrets. Il ne sacrifie rien de ses qualités à l’Idée qui niche dans son cerveau comme une madone dans la façade d’un marchand, et à laquelle il décerne des prières qui sont des projets économiques, précis, sains, sagement sériés.

Les deux autres acolytes sont : l’un, peintre catastrophiste, l’autre, archiviste-paléographe; — celui-là un primaire (c’est ainsi qu’on appelle un pauvre homme en qui une instruction maladroite a ravagé cette charmante éducation populaire d’autrefois), celui-ci un secondaire (un pauvre homme chez qui une instruction maladroite a ravagé cette charmante instruction bourgeoise d’autrefois).