Page:NRF 13.djvu/920

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

912 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

mémoire poétique moyenne d'une époque, d'une nation.

Les anthologies, dont on a fait un grand abus, sont passées de mode, mais il n'est pas sûr qu'on lise davan- tage les œuvres complètes. C'est une question de décider quelle destinée est plus enviable du poète d'anthologie ou du poète de bibliothèque, de celui qui n'a laissé qu'un vers (comme l'auteur de « le Trident de Neptune est le sceptre du monde ») ou de l'auteur d'un gros livre dont chacun sait le nom et que personne ne lit plus. Racan est immortel et pourtant, à part deux pièces célèbres, il est iUisible.

Je ne voudrais pas causer à M. Paul Souday une peine même légère, mais je me demande si le nom de Victor Hugo, poète, serait dans cent ans autre chose qu'une ins- cription sur un vaste monument que tout le monde salue en passant et qu'on ne visite guère, s'il n'était associé au souvenir d'Oceano nox et d'une dizaine de « rengaines » inoubliables.

Il y a quelque chose de tendre et d'amoureux dans cette expression : savoir par cœur. Diderot disait en parlant d'une élève qu'on l'avait prié d'instituer dans les bonnes lettres et qui trompait ses soins : « Que voulez-vous que je lui apprenne, elle ne m'aime pas ! »

Comment, aussi, retenir « par cœur » ce que le cœur n'a point senti.

Le moment est proche où les chefs-d'œuvres de l'antiquité ne seront plus guère connus que par des citations de référence. Je serais curieux de savoir si parmi les hommes politiques interrogés par le Figaro, en dehors des deux ou trois lettrés dont la réputation est

�� �