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NOTES , 973

la grâce. Les poèmes que Ton récite, les images que l'on subit, entraînent un peu d'adhésion momentanée. Comment celui que le seul déroulement d'un office religieux à Notre- Dame convertit soudainement à une religion, contre laquelle sa raison tout entière devait longtemps encore s'insurger, douterait-il du travail mystérieux qui peut s'opérer ainsi dans les âmes ?

Il est impossible en étudiant l'œuvre de Claudel de ne pas tenir compte de ce fait, qu'à travers tous ces drames et ces poèmes, l'écrivain confesse sa foi, et, dans une certaine mesure, qu'il l'enseigne. Mais avant tout, Claudel s'exprime lui-même tout entier; entre tant d'éléments tragiques et lyriques, il en choisit suivant les exigences de cette expression, qui débor- dent souvent et dépassent les exigences de sa foi ; il laisse à la réalité toute sa part, à ces créatures maintenant détachées de lui, tous leurs droits. Le croyant, qui coexiste en lui au poète, ne se l'asservit jamais. Sygne meurt dans le désespoir final ; Louis Turelure frappe trois fois le crucifix de bronze ; c'est ici la grandeur humaine de Claudel, d'avoir avec autant de scrupule respecté la liberté des hommes ; c'est de laisser à côté de Violaine, Sichel et Lumir, si vivantes, si proches de nous, suivre leur vocation terrestre et leur destin selon la chair. Ce que le croyant condamnerait peut-être, le drama- turge ne lutte pas contre la fatalité de l'exprimer et de lui donner vie. Livré à la logique imprévisible du drame qu'il bâtit, il ne cherche point à se ressaisir. Au centre de l'œuvre de Claudel, il y a cette sincérité émouvante, tragique parfois : elle a maintenu son art à la hauteur de son génie.

Au poème de la Consécration, Paul Claudel s'adresse à Rimbaud. Nous savons quelle place celui-ci a tenue dans la vie intérieure de Claudel, qui fait remonter à la lecture des Illuminations son premier pressentiment du divin. La route que lui ouvrit ainsi Rimbaud, a mené Claudel jusqu'au sanc-

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