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974 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

tuaire de la Messe. Il se retourne aujourd'hui vers le guide sublime et lui désigne Dieu à son tour. J'admets cette con- sécration, par Claudel à Dieu, de l'homme auquel il doit tant. Mais Rimbaud a erré trop d'années dans le désert sans églises pour que les portes du temple puissent se refermer aujour- d'hui sur lui. Ce que Claudel ne pourra jamais faire, d'autres le tenteront peut-être, qui auront moins d'intelligence et moins de scrupules. Il ne faudra point permettre cette utihsation équivoque, ni laisser Arthur Rimbaud être accaparé par personne. Chacun a le droit de recevoir de lui la parole qu'il entend et sa prophétie parle plusieurs langues. En réa- lité, il fut celui que le problème de l'être angoissait mille fois plus que le problème du devenir ; s'il a déchiré tant d'apparences visibles, nous ne savons pas, nous ne saurons jamais, ce qu'il aperçut derrière elles. Et qui peut dire si le silence de tant d'années, que les strophes magnifiques de Claudel nous montrent comme autant d'années de recherche et d'inquiétude, n'a pas suivi et recouvert à tout jamais quelque irrémédiable découverte ?

��Ces rapports de Rimbaud et de Claudel, cette influence de l'un sur l'autre, ont été examinés récemment au cours d'une étude longue et touffue, consacrée à l'œuvre de Claudel et où la Sorbonne a pu reconnaître un des siens ^ . Quelles que soient ses méthodes et sa perspicacité, le critique garde tous ses droits. Il est parfaitement libre de tenir l'œuvre de Claudel pour une œuvre écrite en marge de la tradition fran- çaise et de lui en refuser l'accès. Aussi bien est-ce peut-être exact, et l'une des gloires de Claudel sera-t-elle un jour d'avoir élargi et renouvelé cette tradition un peu étriquée et de

I. Les Chapelles Littéraires : Paul Claudel et le Claudélisme, par Pierre Lasserre, dans la Minerve Française, N^» du i«' et du 15 août 1919.

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