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Il8 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Le poète est penché, anxieux, attentif. Ainsi le voyageur, sur le pont de son navire, contemple les animaux monstrueux que la drague a ramenés des profondeurs marines. Le poète regarde, note, décrit, regarde encore et multiplie les croquis. Tout semble nouveau, en ces êtres formidables, inquiétants, indociles. Pour les dépeindre, le poète invente donc un langage neuf, c'est-à-dire qu'il prend les termes les plus éprouvés de notre vieille langue et qu'il les assemble selon une logique nouvelle. Le langage est, pour l'écrivain, un moyen de con- naissance ; on le comprend bien à lire Puissances de Paris. Jules Romains, dans cet ouvrage, utilise les mots comme des instru- ments merveilleux d'analyse ou de synthèse, des instruments propres à servir les plus téméraires desseins de l'esprit.

Absorbé dans la contemplation, le poète participe peu aux êtres et aux gestes qu'il décrit. On le sent tout à la joie de la découverte, et cette joie est encore presque purement intellec- tuelle. Mais il sait que ce n'est là qu'un commencement. Pour assumer sa nouvelle mission, l'homme devra faire saigner sa propre chair sous la loupe et jeter son âme au creuset: " Toutes les émotions de l'homme sont des actes de connaissance mieux que les pensées de sa raison. Car la raison conçoit l'homme ; mais le cœur perçoit la chair de l'homme. De même il faut que nous connaissions les groupes qui nous englobent non par une observation extérieure, mais par une conscience organique".

�� ��Puissances de Paris ! Ce petit livre a été écrit il y a une dizaine d'années et il a paru pour la première fois en 191 1. Cet extraordinaire document inaugure, avec les autres ouvrages que Jules Romains a publiés vers cette époque, ce que Rémy de Gourmont appelait une " psychologie nouvelle ". Depuis, Jules Romains a donné sa mesure en des ouvrages si variés que l'accord du public et de la critique s'est fait sur son œuvre ;

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