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158 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

d'écaillé claire, dont je me servais pour caler. Et puis, dans un gros sac de toile, tout un peuple de billes grises qu'on gagnait, qu'on perdait, et qui servaient d'enjeu lorsque plus tard je pus trouver de vrais camarades avec qui jouer.

Un autre jeu dont je raffolais, c'est cet instrument de merveilles qu'on appelle kaléidoscope : une sorte de lorgnette qui, dans l'extrémité opposée à celle de l'œil, propose au regard une toujours changeante rosace, formée de mobiles verres de couleur emprisonnés entre deux feuilles transparentes. L'intérieur de la lorgnette est tapissé de miroirs où se multiplie symétriquement la fan- tasmagorie des verres que déplace entre les deux feuilles le moindre mouvement de l'appareil. Le changement d'aspect des rosaces me plongeait dans un ravissement indicible. Je revois encore avec précision la couleur, la forme des verroteries : le morceau le plus gros était un rubis clair ; il avait forme triangulaire ; son poids l'en- traînait d'abord et par dessus l'ensemble qu'il bousculait. Il y avait un grenat très sombre à peu près rond ; une améthyste en lame de faux ; une topaze dont je ne revois plus que la couleur ; un saphir et trois petits débris mor- dorés. Ils n'étaient jamais tous ensemble sur scène ; certains restaient cachés complètement ; d'autres à demi, dans les coulisses, de l'autre côté des miroirs ; seul le rubis, trop important, ne disparaissait jamais tout entier.

Mes cousines qui partageaient mon goût pour ce jeu, mais s'y montraient moins patientes, secouaient à chaque fois l'appareil afin d'y contempler un changement total. Pour moi je ne procédais pas de même : sans quitter la scène des yeux, je tournais le kaléidoscope doucement,

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