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SI LE GRAIN NE MEURT l8l

portait à lui, on Taccomplissait avec zèle, avec gravité, comme un rite. Par les beaux jours, on étalait aux rebords des fenêtres, sur les tables et les planchers ensoleillés, les feuilles de papier gris entre lesquelles iraient sécher les plantes ; pour certaines, grêles ou fibreuses, quelques feuilles suffisaient ; mais il en était d'autres, charnues, gonflées de sève, qu'il fallait presser entre d'épais matelas de papier spongieux, bien secs et renouvelés chaque jour. Tout cela prenait un temps considérable, et nécessitait beaucoup plus de place que celle dont Anna disposait à Paris.

Elle habitait, rue de Vaugirard, entre la rue Madame €t la rue d'Assas, un petit appartement de quatre pièces exiguës et si basses qu'en montant sur une chaise on en pouvait toucher de la main le plafond. Au demeurant l'appartement n'était pas mal situé, en face du jardin ou de la cour de je ne sais quel établissement scientifique, 011 nous pûmes contempler les essais des premières chaudières solaires. Ces étranges appareils ressemblaient à d'énormes fleurs, dont la corole eût été formée de miroirs ; le pistil, au point de convergence des rayons présentait l'eau qu'il s'agissait d'amener à ébullition. Et sans doute on y parvenait, car un beau jour un de ces appareils éclata, terrifiant tout le voisinage et brisant les carreaux du salon d'Anna et ceux de sa chambre, qui donnaient tous deux sur la rue. Sur une cour donnaient la salle à manger et une salle de travail où Anna se tenait le plus souvent ; même elle y recevait, plus volontiers que dans son salon, les quelques intimes qui Tenaient la voir ; aussi ne me souviendrais-je sans doute pas du salon si ce n'eût été là qu'on avait dressé

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