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LA GUÉRISON SEVERE 221

��Je savais dès ce moment, ou j'aurais pu savoir, que les lettres de Simone devenaient imprudentes. J'avais ma veste à portée de la main, elles étaient dans la poche où noanquait un bouton — je pouvais les prendre et les déchirer, ou bien les jeter au feu.

Mais il est arrivé autre chose : tout s'est passé comme si j'avais voulu préparer Juliette au moment où elle lirait les deux lettres.

Je me rappelais les dernières menaces qu'elle m'avait taites, le jour de mon départ, de se tuer ou m'abandonner. Et je sais que la fatigue, le soin minutieux auquel l'obli- geait une maison en désordre, notre manque d'argent, ces chaleurs accablantes étaient la cause de sa violence la plus grave : sans doute aussi mon indifférence, et ceci que je la suivais trop peu dans ses ennuis. J'aurais dû mieux être moi-même irrité ou triste.

Mais par dessous je pesais ces traits de son caractère, dont je n'ai pas pris l'habitude, et ce goût de différence et de défaut qui la fait, où elle aime, plus méfiante, et supposant d'abord quelque mal.

Mais je me parle à moi-même. Je ne sais pas comment tout ceci pouvait se traduire, ni si je fus habile.

(Oui, je fus habile. Ainsi j'abusai du mot d' " égoïste " auquel je n'attache pourtant guère de sens. Je revins aussi sur les scènes, où Juliette me menaçait, ou bien désespérant montrait brusquement une face vide de regard. Mais j'ai trop d'estime, dans le fond, pour les manifestations d'un sentiment aussi entier ; j'admire que, compliquées, on les fasse pourtant sans apprêt ou peu

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