Page:NRF 14.djvu/316

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

3IO LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Renoir, dans la vie, était un amusant compagnon, mais à l'atelier, il devenait un raisonneur silencieux. Il nous apparaît comme un imagier appliqué à décrire fidèlement les beautés que le suprême " Maître de l'œuvre " fait défiler devant ses yeux. Si cette conclusion agrée aux critiques d'art dont nous, n'avons pu accepter les gloses, nous ne demandons pas mieux que de dresser avec eux la figure pure d'un Renoir dépouillé de toute morgue, savant sans prétention, méditatif sans idéo- logie, et masquant avec pudeur la gravité de ses pensées par de menus propos frivoles.

ANDRÉ LHOTE

  1. *

LES GOYESCAS, musique de Granados (Théâtre de l'Opéra). / J'aime les Goyescas pour ce flot mélodique ininterrompu, f pour ce jaillissement de musique, pour cette impression de î continuelle improvisation, qui, à mon sens, en constitue le » charme essentiel. On ne saurait rêver musique plus spontanée,, musique plus populaire. Par une fortune unique, Granados a vu ses pièces de piano recherchées d'un public raffiné, séduit par le jeu si libre, si souple, si nuancé de sa polyphonie, et ses danses adoptées par tout le peuple espagnol qui y reconnais- sait son âme. On ignore généralement en France que tandis que les Goyescas, prenant vie sous les doigts magiques d'un Cortot, d'un Vines, nous enchantent, d'innombrables orgues et pianolas broient et concassent mécaniquement en un ruissellement de notes les danses de Granados dans les rues et les tavernes de toutes les Espagnes. Je l'avoue, il est une bonne part de l'œuvre de Granados qui échappe à mon goût. Je n'ai pas sans doute l'âme assez espagnole. J'y trouve de la vie, du rythme, mais un éclat factice et de la vulgarité. Par contre j'aime infiniment les Goyescas telle qu'elles furent écrites pour le piano. Je n'ai jamais entendu sans trouble les plaintes de l'amante abandonnée La Maja y el Ruisenor. Nulle emphase,, nulle sensiblerie. L'émotion se dégage et se propage directe- ment de l'auteur à l'auditeur.

Ce fut une singulière idée de la part de Granados que de

�� �