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26 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

darwinienne, tout ce que la Sélection Naturelle n'explique pas, se trouvera expliqué : transmission des caractères acquis, stérilité des hybrides, retour aux caractères ances- traux, phénomènes de la vieillesse, etc. Arrivé à ce point, Butler vit combien le darwinisme était insuffisant, et, ayant connu alors la doctrine lamarckienne, il s'aperçut — lui qui avait cru apporter au darwinisme quelque chose comme son couronnement philosophique — il s'aperçut qu'il se trouvait dans le camp opposé. Dès les premiers mois de 1876 il était en possession de tous les éléments de sa théorie, et avait commencé à en faire un exposé. L'exposé grandit, dépassa les dimensions prévues, et devint un livre : La Vie et V Habitude. Livre étonnant, et qui est bien plus que l'exposé d'une doctrine de la vie. La théorie peut être discutable, mais si l'imagination y nuit à la rigueur scientifique, c'est une imagination d'une autre espèce que celle qui joue un trop grand rôle dans la théorie de la crucifixion incomplète ; l'imagination qui préside à La Vie et V Habitude est de même qualité que celle qui anime le poème de Lucrèce. Livre difficile, mais livre fort et généreux, dramatique, et dont seul un critique comme Francesco De Santis pourrait parler dignement.

Entre temps, il s'était produit un événement important dans la vie privée de Butler. Une grande partie de son capital, retiré de Nouvelle-Zélande et placé dans des compagnies industrielles fondées au Canada par son ami le banquier Henry Hoare, avait sombré en même temps que ces compagnies. Envoyé à Montréal par le conseil d'administration, il parvint à liquider ces affaires, mais il ne sauva que des lambeaux de sa fortune, et jusqu'en

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