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320 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

��La confusion dans laquelle ces problèmes demeurent a des conséquences regrettables. La violence de nos luttes de partis est le signe et non pas la cause de notre anar- chie intellectuelle. Son pire effet est de stériliser notre travail.

Manquant d'une ferme notion de nos liens sociaux, nous n'avons qu'un sentiment vague et faux du rôle éminent qui devrait appartenir à l'intelligence. Nous n'accordons, à vrai dire, aucun rôle aux ouvriers de l'es- prit. Nous les laissons à leurs caprices, plus soumis que personne au mouvement des passions politiques. Aussi les voyons-nous partagés en deux camps, persuadés que leur devoir est de se battre, non de travailler à la pros- périté publique, lis enrôlent à leur suite ce qu'ils peuvent d'énergies laborieuses. Le temps des guerres privées semble pour eux durer toujours.

Nous les abandonnons absolument au souci de leurs intérêts. L'homme qui chez nous ne travaille qu'à penser est un personnage de luxe. Il a pour principale fonction le divertissement. Ne parlons pas ici des savants; la science française à trop peu d'écho dans la vie.

Quoi d'étonnant si le génie, vrai ou prétendu, livré de la sorte à lui-même, refuse de se subordonner? Ignorant les bénéfices de la solidarité, nous cultivons en nous un naïf et redoutable orgueil. On dirait que la dignité propre de l'intelligence lui défende d'accepter aucun lien. Les habitudes sont si fortes que la tentation d'introduire entre plusieurs un principe d'action commune ne manque

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