d'une organisation du travail intellectuel 339
11 est nécessaire de rompre l'élan du travail. Revenir sur la besogne accomplie, tirer la leçon de l'expérience dont les données se sont accumulées telles que la vie les présenta, synthétiser ce qui s'offrit à nos sens, c'est là véritablement penser. C'est dans le moment que l'on met de l'ordre en soi que l'on pense.
Ce mouvement de l'esprit est le moins spontané qui soit. 11 exige une sorte de courage. On voit des hommes qui durant leur vie entière accomplissent une tâche de forçats, sans jamais faire le moindre progrès. Ils sem- blent d'une énergie à toute épreuve. En réalité, ils sont paresseux contre eux-mêmes. Ils se contentent de se dépenser mécaniquement et se font un mérite de leur obstination inféconde.
La volonté de réfléchir nous impose l'obligation de nous contenir, de nous resserrer sur nous-mêmes, de refaire sans cesse un faisceau des idées diffuses qui élar- gissent et dissipent la conscience. L'homme est forcé de faire périodiquement la moisson de ses pensées, de dresser les épis mûrs en gerbes, afin de les sauver des coups de vent qui éparpillent tout le grain. Laisser ses connaissances éparses, c'est les perdre, de même qu'un champ non moissonné pourrit. Les ordonner, c'est les réduire à la simplicité et en assurer la conservation.
Il faudrait que nous fussions instruits dans l'art de récolter les fruits de la vie intérieure. Nous devrions être encouragés, dès le temps de l'école, à sentir, à dé- sirer et à penser. Nul enrichissement de l'esprit ne serait nuisible si l'on enseignait à l'homme qu'il est bon de s'arrêter parfois d'aspirer en soi la vie, pour contempler le domaine de la conscience. La nature n'a pas prescrit
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