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350 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

tiques. Les étudier est le seul moyen de les prévoir, autrement dit de gouverner. Ce n'est pas gouverner que de donner successivement satisfaction aux plus criants appétits.

Nous avons besoin de philosophes qui ne soient pas des théoriciens, mais qui parfaitement instruits des réa- lités de la vie, respirant le même air que nous, sachent formuler ces aspirations vagues dont la foule ne devient consciente qu'à de rares moments. La philosophie dort dans les livres; elle veille dans la tête de quelques hommes d'esprit qui cherchent leur plaisir dans l'acte de penser plus encore que dans le fait de sentir. N'étant pas arrêtés par la vue du monde que le gros de l'huma- nité a acquise au temps où ils vivent, ils reculent sans cesse l'horizon des terres où elle se meut, et tirent d'elle les idées qui croissent dans l'épaisseur de sa conscience et l'agitent sourdement.

Nous avons besoin surtout d'organisateurs. Savoir penser et savoir commander ne sont pas une seule et même chose. Ou plutôt la pensée de celui qui com- mande étant dirigée sur un objet déterminé qui est l'homme, doit prendre un pli spécial. Le rôle du penseur qui dégage par la spéculation la leçon d'ensemble des choses, ne peut se confondre avec celui du chef qui agit et fait agir. Tous deux sans doute organisent, ils obéissent à la même logique, mais le premier construit dans son esprit suivant un concept en partie théorique, le second taille dans le vif de la société, la constitue pratiquement.

Celui-ci a pour mission d'ordonner les hommes entre eux en vue de la tâche d'ensemble à remplir. Il est indis- pensable d'abord qu'il connaisse à fond la matière sur

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