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SI LE GRAIN NE MEURT 4O9

En plus de Paul mon père et de mon oncle Charles, Tancrède Gide avait eu plusieurs enfants qu'il avait tous perdus en bas âge, l'un d'une chute sur la tête, l'autre d'une insolation, un autre encore d'un rhume mal soi- gné ; mal soigné pour les mêmes raisons apparemment qui faisaient qu'il ne se soignait pas lui-même. Lorsqu'il tombait malade, ce qui du reste "était peu fréquent, il prétendait ne recourir qu'à la prière ; il considérait l'in- tervention du médecin comme indiscrète, voire impie, et mourut sans avoir admis qu'on l'appelât.

Certains s'étonneront peut-être qu'aient pu se con- server si tard ces formes incommodes et quasi paléon- tologiques de l'humanité ; mais la petite ville d'Uzès était conservée tout entière ; des outrances comme celles de mon grand-père n'y faisaient assurément point tache; tout y était à l'avenant ; tout les expliquait, les motivait, les encourageait au contraire, les faisait sembler natu- relles ; et je pense du reste qu'on les eût retrouvées à peu près les mêmes dans toute la région cévenole, en- core mal ressuyée des cruelles dissensions religieuses qui l'avaient si fort et si longuement tourmentée. Cette étrange aventure m'en persuade, qu'il faut que je raconte aussitôt, bien qu'elle soit de ma vingtième année.

J'étais parti d'Uzès au matin, répondant à l'invitation de Guillaume Granier, mon cousin, pasteur aux environs d'Anduze. Je passai près de lui la journée. Avant de me laisser partir, il me sermonna, pria avec moi, pour moi, me bénit, ou du moins pria Dieu de me bénir... mais ce n'est point pourquoi j'ai commencé ce récit. — Le train devait me ramener à Uzès pour dîner ; mais je lisais le Cousin Pons. C'est peut-être, de tant de chefs-d'œuvre

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