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��NOTES

��OPTIQUE DU LANGAGE ou SI LES MOTS SONT DES MÉTAPHORES USÉES.

L'on sait quelle faveur singulière rencontra la théorie suivant laquelle les mots sont des métaphores, refroidies, pour Bréal, usées, dit Darmesteter. Plusieurs écrivains y virent une preuve de la doc- trine, qui leur tenait à cœur depuis quelque quatre-vingts ans : cette doctrine voulait, ou veut que l'art d'écrire soit essentiellement l'art de découvrir des métaphores, et que le véritable poète, le poète- né use d'images neuves comme le mauvais écrivain de lieux communs.

« On a déterminé, écrit Rémy de Gourmont, l'origine du mot briller, c'est béryllare, scintiller comme le béryl. Que ne diraient pas les professeurs de belles-lettres, si quelque « décadent » for- geait, briller n'ayant vraiment plus qu'un sens abstrait, émerauder ou topa^er'i...{\) » Oui, il s'agit ici de justifier les décadents, comme ailleurs les romantiques. 11 n'est point d'image, dira-t-on, si hardie, que l'instinct populaire n'ait imaginé une image plus hardie encore, et qui a réussi. Quelque professeur s'étonne que Jules Renard écrive « elle agite ses petits bras de lézard.. ». Or la langue latine, d'une pareille audace, appelle lézard, lacertus, le bras musculeux « parce que le tressaillement des muscles sous la peau est comparé à un lézard qui passe (2) ».

1. Esthétique de la langue française (Ed. Mercure de France), p. 828.

2. Ibid., p. 100.

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