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NOTES ' 455

dans ce premier acte que d'essentiel ; mais on y découvre déjà le mécanisme dramatique propre à Shakespeare : continuité, simulta- néité. Ses personnages ne s'expriment pas à tour de rôle, mais ensemble, pour ainsi dire sans interruption. Ici, l'enfant qui joue, là, le père qui se dévore, plus loin, Hermione et son hôte qui déclenchent le drame à leur insu. Tous ne sont pas au même plan, ou présentés toujours dans la même lumière ; mais tous demeurent et agissent en notre présence : le dramaturge les manie comme le peintre les valeurs. Tandis que la parole est tout, ou à peu près tout, chez Racine ; ici, le geste est de moitié avec elle dans l'action. La composition logique et déductive, chère à nos classiques fran- çais, le cède à une composition harmonique, que sans doute ils n'ont pas ignorée toujours, mais qu'ils considéraient comme acces- soire, malgré les leçons du théâtre grec ; seul Molière, dans ses pièces les moins guindées, en usa délibérément. Si le metteur en scène tient à ne pas trahir l'auteur, il devra, dans le cas présent, dessiner devant nous le drame, doubler et renforcer le texte par une arabesque expressive d'attitudes et de mouvements. Je donnerai un exemple de ce dessin : la descente au jardin de Polyxénès et d'Hcrmione, quand ils traversent le proscenium, sous l'œil jaloux de Léontès qui s'est retiré tout au fond : le bond de celui-ci sur eux, quand ils viennent de disparaître. Quelques manœuvres de ce genre — de cette qualité — et nous voyons. Tout cela, sans doute, était dans le texte ; mais il fallait le découvrir.

Le second acte s'ouvre sur une de ces scènes familières, non essentielles à l'action, mais parfaitement propres à la préparer, à la mûrir et à l'épanouir, q«e l'économie un peu janséniste de l'art français du XVH« siècle, à l'encontre des Grecs encore, excluait volontairement de la tragédie. La reine est au lit, ses femmes tra- vaillent ; le jeune prince devise et plaisante avec elles, puis va raconter à sa mère une histoire de revenants : c'est le thème — tant de fois repris par Maeterlinck — du bonheur qui continue de régner dans une maison, tandis que les nuages s'amoncellent. Mais la peinture est si légère, si juste, si classique dans sa discrétion, que l'action n'en est pas un instant ralentie. — Léontès rentre en scène comme un furieux, rapportant la nouvelle de la fuite des deux « complices ». C'est l'aveu ; plus de doute ; on en voulait à sa couronne et à sa vie. Il arrache son

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