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464 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

ballet de Nijinski il y avait en effet une raison, qui était le sujet même, l'atmosphère panique que les auteurs avaient voulu créer : c'était la pesanteur du Printemps, c'était l'engluement de la vie pré- historique, qui accablaient, contraignaient, réduisaient ainsi les gestes. Dans les ballets réglés par Miassine, on cherche en vain ce qui peut bien justifier l'allure étriquée de la danse, sa perpétuelle crampe. Le Chant du Rossignol lui-même, malgré ce qu'y introduit d'étouf- fant et de contracté la musique de Stravinsky, ne comporte tout de même pas une suffisante horreur pour qu'on se puisse expliquer tant de contorsions, une gymnastique si compliquée, une si grande pau- vreté de grâce et d'élan.

Miassine était un danseur de talent ; la fortune, contrairement aux apparences, lui a joué un très mauvais tour en l'appelant brusque- ment à prendre la place de Nijinski ; il a eu beau s'enfler ; pour l'occuper entière il eût eu besoin d'autre chose que d'élégance et de bonne volonté.

Ces restrictions faites (je ne me dissimule pas qu'elles sont graves), il faut tout de même reconnaître qu'aucun des trois nouveaux spec- tacles de cette année n'est ennuyeux et qu'on y trouve même de fort agréables parties.

Je ne raffole pas du décor qu'André Derain a brossé pour la Bou- tique fantasque. Le primitivisme en est un peu appliqué; les grandes figures dont s'orne le rideau sont d'une maladresse qu'on sent avoir coûté à l'auteur vraiment un peu trop de peine. De plus le décor lui-même est un peu trop vaste pour être grand ; il y circule trop d'air ; il n'emprisonne pas suffisamment les danseurs, il ne les fomente pas assez.

Les costumes de leur côté manquent d'exagération. Le mauvais goût en est trop avare. Les personnages ne parviennent au grotesque que grâce à de petits accents posés de l'extérieur; le ridicule ne jaillit pas de leurs entrailles ; il est insuffisamment artésien.

Mais l'œuVrc est amusante, pleine de brio, d'aplomb, et de fine impertinence. D'abord un peu trop voisine de la pantomime ou même de la comédie, elle s'anime progressivement et nous retrouvons vers la fin quelques-uns de ces beaux tumultes construits, de ces gracieux châteaux de gestes qui faisaient jadis notre ravissement.

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