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NOTES 469

noble). Comme Michel-Ange savait ses muscles par cœur, ils savent par cœur leur guitare, leur pipe, leurs fruits ; ils n'ont plus besoin, pour les figurer, de les avoir devant les yeux. Leur mémoire leur fournit un arsenal de formes dissociées, toutes prêtes à être orga- nisées selon les lois savantes de la composition cubiste.

11 n'est pas jusqu'à la lumière baignant leurs toiles, qui n'exprime leur dédain des apparences. Ce n'est pas à la chaude et pourtant abstraite lumière vénitienne que je comparerai celle des cubistes. Est<e que parce que beaucoup d'entre eux sont Espagnols ? Il me semble que les éclairages de leurs toiles sont les mêmes qui auréolent de mystère et d'absolu les héros du Gréco ou de Zurbaran.

Pour enclore en une formule brève la définition des cubistes de, la première catégorie, on peut dire d'eux qu'étant en possession de lois picturales traditionnelles, ils les formulent, les énoncent, en prenant en dernier lieu les objets comme exemple : ils projettent leurs rêves plastiques sur l'objet comme sur une cible.

��Le peintre français manque totalement d'imagination, au sens où on l'entend généralemnt. Il n'a aucun don pour créer de sang- froid, et sans appui extérieur, une image, même modeste. Les saints du porche des cathédrales sont avant tout des portraits. L'imagier qui les voulait sculpter se tournait vers son voisin et en reprodui- sait le visage. Il interrogeait la nature immédiate. Mais il la scru- tait avec un amour si profond, une application si singulière et un tel sens de l'unité que, se séparant comme par miracle de ses tares vulgaires, le modèle, débarrassé de ses attributs terrestres, revêtait ceux d'une divinité. Le langage de l'artiste français est aussi géné- ralisé que celui de l'Italien, mais à l'encontre de celui-ci, il trouve ses éléments dans le particulier. Il n'est pas plus riche ; il paraît moins abondant, mais il conserve de ses humbles origines je ne sais quel parfum qui, pour un cœur français, est irremplaçable.

Regardez au Louvre la yierge aux Rochers ou le Saint-Jean, du Vinci. Si vous êtes passé par la salle des Primitifs Français, si vous avez contemplé longuement l'Homme au verre de vin, les deux visages du maître italien vous deviendront, malgré leur beauté idéale, insupportables à force d'être anonymes.

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