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470 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

L'attitude de l'artiste français n'a pas varié depuis le Moyen-Age et son programme ne me paraît pas devoir différer, malgré la récréa- tion impressionniste, de ce qu'il fut si longtemps.

C'est cette fidélité aux objurgations de la race qui a conduit, à leur insu peut-être, les cubistes les plus patients à se tourner vers le monde extérieur. Leur but est essentiellement cubiste : il s'agit toujours de s'adresser aux plus hautes facultés de l'homme, « d'em- porter jusqu'au ciel » si possible, « toute saine intelligence ». Mais, malgré Michel-Ange et Metzinger, c'est « de leurs sens » qu'ils veu- lent obtenir un type de beauté. Le tableau demeure pour eux une spéculation de l'esprit, mais cette spéculation, au lieu de s'exercer sur des figures pures, imaginées, ne peut s'exercer que sur des figures nées d'une émotion de nature. Ce n'est donc pas le verre, ou l'assiette en général qui les inspireront, mais la combinaison neuve qui naîtra pour eux de tel verre, de telle assiette, aperçus dans un cadre inattendu qui en modifiera les formes et fera surgir à leur esprit une géométrie expressive. Alors que les cubistes purs partent d'un concept, les cubistes émotifs que je brûle d'appeler cubistes- impressionnistes, partent d'une sensation. Si les premiers sont des idéalistes, les seconds sont des réalistes, à la façon de Cézanne. Comme Cézanne, c'est au moyen de la méditation sur les produits de la sensation qu'ils veulent arriver jusqu'à l'esprit et jusqu'à l'ordre : ils veulent, sur le conseil du Maître d'Aix « faire de l'Impression- nisme une chose durable comme l'art des musées. » La formule est bonne, et Cézanne a défini la peinture pour un siècle ou deux, peut- être pour plus longtemps encore.

Au Grand Palais, le groupe du cubisme émotif n'est pas au com- plet. Il y manque De la Fresnaye, Delaunay, Le Fauconnier. Mais il y a Léger qui expose une rue de Paris où les murs, par l'anima- tion que leur confèrent les affiches multicolores dont ils sont cou- verts, semblent se déplacer, cependant que les êtres humains, réduits à l'état de silhouettes grises, sont absorbés par le dynamisme de la vie moderne. Il y a Gleizes, avec ses cirques, où les danseuses et les clowns propagent les mouvement autour d'eux comme des ondes successives. Ici, l'objet : Rue, Cirque, Bar ou Port, préexiste aux rêves; il n'est plus cihUs vmÀs projectile.

L'opposition entre les deux groupes s'augmente si on compare la

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