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DADA 479

des autres et vu remettre tout en question, pour se rasseoir ensuite devant sa table à écrire et renouer le fil du vieux discours interrompu. Eh quoi ! Tandis qu'ont tant souffert nos champs, nos villages, nos cathédrales, notre Verbe demeurerait invulnéré ! Il importe que l'esprit ne reste pas en retard sur la matière ; il a droit, lui aussi, à de la ruine. Dada va s'en charger.

Déjà l'édifice de notre langage est trop ébranlé pour qu'il soit prudent pour la pensée d'y chercher encore un refuge ; et devant que de rebâtir, il importe de jeter bas ce qui paraît solide encore, ce qui fait mine de tenir debout. Les mots que conglomère encore l'artifice de la logique, il les faut disjoindre, isoler; les forcer de redé- filer devant des regards vierges, comme, après le déluge, un à un, les animaux sortis de l'arche-dictionnaire, avant toute conjugaison. Et si, par quelque vieille com- modité, typographique uniquement, on les met bout à bout sur quelque ligne, avoir soin de les disposer dans un désordre où ils n'aient aucune raison de se suivre — puisque, c'est, avant tout, à l'anti-poétique raison qu'on en a.

Et il importe également, peut-être même davantage, après avoir disjoint les mots les uns des autres — à la manière des typos qui redistribuent avant de procéder à des formations nouvelles — il importe de les dissocier de leur histoire, de leur passé qui les appesantit d'un faix mort. Chaque voc?ble-îlot doit, dans la page, présenter des contours abrupts. Il sera posé ici (ou là tout aussi bien) comme un ton pur ; et non loin vibre- ront d'autres tons purs, mais d'une absence de rapports telle qu'elle n'autorise nucune association de pensées.

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