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=•5^ LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

une vallée large, pleine d'eaux courantes et de buissons fleuris ; les femmes s'y étaient rassemblées ; leurs robes noires et blanches faisaient au milieu de cette belle cam- pagne un massif plein de fierté. Au moment précis dont je parle, elles se tenaient assises et serrées les unes contre les autres, dans l'immobilité la plus complète ; par bouf- fées, un chant éloigné montait jusqu'à nous; et autour d'elles naissait la substance la plus parfaite qu'il m'ait été donné de voir. Elle a pris lentement ses volumes et ses contours; des jardins se sont enclos de murs; des cours se sont trouvées prises entre le déroulement des cloîtres ; des portails se sont sculptés, des toits bruns se sont allongés, des campaniles dressés, et bientôt le couvent s'est trouvé construit.

Alors le massif des robes noires et blanches s'est ouvert, elles se sont levées, elles se sont formées en cortège, et mises en marche. Leur chant s'était amplifié ; il remplissait à présent la vallée. Puis une vibration grondante et régulière s'est propagée dans le sol.

— Les cloches !

a murmuré l'un d'entre nous. Nos yeux se mouillaient, nos bras se tendaient, jamais élan n'a été moins charnel ; nous aspirions à une société qui est le complément naturel de notre inquiétude, et à un entretien qui est le fruit de la vie. Au reste, de tous les points de l'horizon nos caravanes n'allaient pas tarder à venir demander au couvent des mortes l'accueil, la conversation et ce parfum d'exquise compagnie que l'humeur de notre sexe nous rend incapables de nous dispenser les uns aux autres. Ce lieu d'asile perpétuellement ouvert entre nos diffé- rentes contrées en est ainsi devenu, par degrés insen-

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