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NOTES 593

Cassius : La nuit a mal commence.

Je ne choisis guère. Il y aurait bien d'autres passages à citer. Comme nous voici loin de ces philosophes aux chandelles qui pro- cèdent par syllogismes pour nous faire mesurer leur pensée! Que nous sommes loin aussi de ces sortilèges qui nous donnent l'illu- sion de l'abîme, mais n'en laissent jamais voir clairement, cruelle- ment, le fond.

Au théâtre plus que partout ailleurs, être profond, c'est être simple et vrai.

��L'exemple d'autrui ne sert à personne, cette triste évidence inté- resse gravement la carrière de l'artiste. Force nous est de découvrir par nous-mêmes toutes les vérités qui peuvent nous être de quelque usage. 11 n'est bon, il n'est fructueux de regarder un ilote que si l'on est déjà dégoûté du vice, c'est à dire à moitié guéri. Les erreurs des autres ne nous apprennent rien et il faut maintes expé- riences personnelles et pénibles pour nous amener à prendre, envers nous-mêmes, certains engagements. Je n'ai donc pas la prétention d'éclairer les jeunes dramaturges en leur faisant ces confidences, mais seulement de donner, d'une façon assez détournée, mon senti- ment sur un ouvrage dramatique : le Paquebot Tenacity.

Je connais, j'ai connu les différents essais qui ont conduit douce- ment Charles Vildrac à cette réalisation. Cette petite pièce est un ouvrage de maturité. Pour l'écrire si nettement, si simplement, il a fallu renoncer à beaucoup de choses, dépouiller bien des préjugés, rejeter maintes illusions tenaces. C'est fait et grâce à tous ces sacri- fices, le Paquebot Tenacity est une belle chose.

On a pu, toutefois, reprocher au personnage de Hidoux d'être un « raisonneur » traditionnel sous ses apparences pittoresques. J'accorde que ce reproche est fondé mais il ne pèse pas lourd au prix de toutes les satisfactions que nous procure un tel spectacle. La pièce de Vil- drac donne, d'un bout à l'autre, une impression de réussite, d'aisance tranquille, de sécurité. L'art y est sans cesse efficace et toujours plein de pudeur. Les beautés proprement dramatiques sont d'une rare discrétion et le public ne s'y trompe pas, bien qu'il soit plutôt

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