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NOTES ' 617

LETTRES ANGLAISES : Le poète Vachel Lindsay.

Une des meilleures parmi les jeunes revues anglaises, The London Mercury, publiée sous la direction de J. C. Squire et d'Edward Shanks, contient, dans son quatrième numéro, un choix très curieux de poésies, qui réunit heureusement les noms de quatre poètes qu'on a plaisir à voir rassemblés mais qui doivent s'étonner de se trouver rangés dans le même sommaire : M. Robert Bridges, le Poète lauréat ; M. Austin Dobson, qui est probablement le doyen d'âge des poètes anglais contemporains ; M. Edward Shanks et M. Wilfrid Wilson Gibson, deux des plus marquants parmi les chefs de la jeune école lyrique, et enfin un Américain dont on commence à parler beaucoup, M. Nicholas Vachel Lindsay. Ce dernier, qui vient d'avoir les honneurs d'une édition anglaise {General William Booth enfers into Hearen, and Other Poems, with an Introduction by Robert Nichols; Chatto and Windus, éditeurs, Londres, 5 shillings), et qui a été l'objet d'un remarquable article critique dans un récent numéro du Times Literary Supplément, mérite d'être mieux connu en France, et nous terions heureux d'avoir, sur lui, une étude de Pierre de Lanux, qui a été des premiers à parler de ses œuvres en France, et qui le connaît et l'apprécie depuis l'époque où ses premiers poèmes parurent en Amérique, au milieu de l'étonne- ment et des sourires un peu scandalisés et un peu moqueurs du public des États-Unis.

A première vue on est en effet choqué par l'énorme vulgarité apparente de ces poèmes qui font songer aux boniments des dentistes des foires de village, et à tout ce qu'il y a de plus grossier dans les procédés de la réclame commerciale, et des proclamations et professions de foi électorales : vulgarité des sujets, vulgarité des expressions. Ce n'est même plus la grosse métaphysique hégélienne de Whitman ; c'est de la propagande anti-alcoolique, de la propagande religieuse à la manière de l'Armée du Salut. Si une telle poésie a des sources, pense-t-on, il faut les chercher aux pages d'annonces des journaux et sur les enseignes lumineuses. Mais bientôt la violence, l'énergie et les sonorités sauvages du rythme et des mots vous entraînent et vous saisissent, et vous éprouvez le besoin impérieux de lire à haute voix ces poèmes : et c'est ia musique des jazz-bands et celle qu'on entendait pendant l'exposition universelle de 1000, et celle qui vous saoule dans ces petits bouges d'Algérie, où, tandis que résonne la derbouka tonnante et monotone, une jeune juive suante et grasse, les joues couvertes de pièces de vingt sous collées avec de la salive, danse sur place entre vos genoux. Après une lecture à haute voix de General Williatu Booth enters into Heaven, aves son refrain ternaire :

Are y ou ivashed in the Blood of ihe La^nb ? on est rassasié de cymbale et ivre de tambour.

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