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640 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

les sources publiques semblaient taries. Il avait besoin de la force accrue, de la foi collective, mais il ne l'avait pas. La crainte de l'Allemagne nous dominait tous en- core, et les plus sympathiques restaient très prudents : il ne fallait pas encourager l'ennemi, il fallait soutenir les amis, le temps n'était pas venu des dissensions et de l'agitation, il fallait faire confiance au Président pour qu'il agisse pour le mieux. Au milieu de cette sécheresse, la foi du Président se fana et s'étiola comme une fleur.

Dans un moment de colère justifiée, le Président avait fait venir le Georges-Washington. 11 voulait que le navire fut prêt à l'emmener loin des palais perfides de Paris, vers le siège de son autorité, où il pourrait se ressaisir. Mais il rapporta cet ordre et une fois qu'il eut pris le chemin des compromis, les défauts de son tempérament et de sa préparation apparurent fatalement. Il était ca- pable de suivre une route élevée et d'agir avec obstina- tion ; il était capable de lancer des mandements du Sinaï ou de l'Olympe et de rester inabordable à la Maison Blanche ou même au Conseil des Dix ; — il pouvait par là même ne subir nulle atteinte. Mais que seulement il s'abaissât jusqu'à devenir l'égal des Quatre, et c'en était fini.

C'est ici que ce que j'ai appelé le caractère théologique ou presbytérien devenait dangereux. Après avoir décidé que des concessions étaient inévitables, le Président au- rait pu tenter, par la fermeté, et l'habileté, ou en faisant usage de la puissance financière des Etats-Unis, de con- server le plus possible du fond, fut-ce aux dépens de la lettre. Mais il était incapable d'une compromission avec lui-même, telle que l'impliquait ce procédé. 11 était trop

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