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6^0 ' LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

à travers lequel, après longue étude, elle traça deux allées qui s'élevaient, en serpentant selon des courbes savantes, jusqu'à la petite barrière par où l'on entrait dans le bois. On plongeait aussitôt dans un tel mystère, que, d'abord, le cœur en la franchissant me battait un peu. Ces bois dominaient la colline, se prolongeaient sur une vaste étendue, et ceux du Val-Richer faisaient suite. 11 n'y avait, du temps de mon père, que peu de sentiers tracés, et d'être si difficilement pénétrables, ces bois me paraissaient plus infinis. Je fus bien désolé le jour oij maman, tout en me permettant de m'y aventu- rer, me montra sur une carte du cadastre leur limite, et qu'au delà, les prés et les champs recommençaient. Je ne sais plus trop ce que j'imaginais au delà des bois ; et peut-être que je n'imaginais rien ; mais si j'avais ima- giné quelque chose, j'aurais voulu pouvoir l'imaginer différent. De connaître leur dimension, leur limite, diminua pour moi leur attrait ; car je me sentais à cet âge moins de goût pour la contemplation que pour l'aventure, et je prétendais trouver partout de l'inconnu. Pourtant ma principale occupation, à La Roque, ce n'était pas l'exploration, c'était la pêche. O sport injuste- ment décrié ! ceux-là seuls te dédaignent qui t'igno- rent, ou que les maladroits. C'est pour avoir pris tant de goût à la pêche, que la chasse eut pour moi plus tard si peu d'attraits, qui ne demande, dans nos pays du moins, guère d'autre adresse sans doute que celle qui consiste à bien viser. Tandis que pour pêcher la truite, que d'habileté, que de ruses ! Théodomir, le neveu de notre vieux garde Bocage, m'avait appris dès mon plus jeune âge à monter une ligne et à appâter

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