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��656 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

à rhomme, il le méprisait. Plus tard, il me raconta qu'un jour il avait surpris Dorval embrassant Anna ; et dès qu'il s'était retrouvé seul avec Dorval :

— Qu'est-ce que tu t'es permis tout à l'heure?... Albert était très grand et très fort ; il poussait contre

le mur de la pièce Dorval qui balbutiait :

— Qu'il est bête, ce gros Bert! Tu vois bien que je plaisantais.

— Misérable ! s'écriait Albert. Si je te reprends à plai- santer de cette manière, je...

— J'étais si indigné, ajoutait-il, s'il avait dit un mot de plus, je crois que je l'aurais tué.

C'est peut-être au retour de ces vacances qui suivirent mon renvoi, qu'Albert Démarest commença à faire attention à moi. Que pouvait-il bien discerner en moi qui attirât sa sympathie ?Je ne sais; mais sans doute lui fus-je reconnaissant de cette attention d'autant plus que, précisément, je sentais que je la méritais moins. Et tout aussitôt je m'efforçai d'en être un petit peu moins indigne. La sympathie peut faire éclore bien des quali- tés somnolentes ; je me suis souvent persuadé que les pires gredins sont ceux auxquels d'abord les sourires affectueux ont manqué. Sans doute est-il étrange que ceux de mes parents n'eussent pas suffi ; mais il est de fait que je devins aussitôt beaucoup plus sensible à l'approbation ou à la désapprobation d'Albert qu'à la leur.

Je me souviens avec précision du soir d'automne où celui-ci me prit à part, après dîner, dans un coin du cabi- net de mon père, tandis que mes parents taillaient un bézigue avec tante Démarest et Anna. 11 commença de

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