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qui dans certains individus s’est présenté sous la forme d’une véritable passion et avec une énergie singulière ; qui, dans les arts, permet toutes les avances et explique l’emploi de plus en plus fréquent de termes resserrés, de raccourcis et de contrastes violents, existe implicitement sous sa forme rationnelle au fond de toutes les conceptions mathématiques. » Ce « désir de porter les termes à leur limite », ce « sens qui dans les arts permet toutes les avances et explique l’emploi de plus en plus fréquent de termes resserrés, de raccourcis », malgré que Valéry dès 1894 en conçût si nettement l’idée, ce n’est pourtant qu’en 1919, dans Note et Digressions, que l’usage qu’il en fait témoigne d’une entière maîtrise. D’une introduction à l’autre il s’est produit dans le style comme un changement de vitesse. Or, le changement de vitesse dans le style correspond la plupart du temps à une variation de point de vue, à une attitude mentale différente et il ne serait peut-être pas impossible de démêler en quoi consiste d’ordinaire la différence. Exactement elle marque un certain passage de la jeunesse de l’esprit à sa maturité. Jeune, l’esprit vit dans sa pensée ; mûri, il vit avec elle, et l’écart entre les deux modes d’existence est d’une portée incalculable. Dans la jeunesse, l’esprit est au centre de sa pensée comme l’araignée au centre de sa toile ; du centre tout se développe, avec une sorte de régularité plane, de décours sinueux et tranquille qui échappe aux à-coups, aux encoches du temps, qui élude encore la résistance des choses. Mûri, l’esprit est avec sa pensée dans le même rapport que le cavalier avec sa monture. Tour à tour il l’excite, puis la retient ; mais quelque grand écuyer qu’il se montre,