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REFLEXIONS SUR LA LITTERATURE 737

Que M. Truc en soit un peu là, voici une phrase qui ne permet guère d'en douter : « Le style de Huysmans et de Jean Lombard semble par ses tournures et son vocabulaire un parti-pris d'école et une manie de malade. » Ainsi M. Truc ne voit pas de différence entre l'admirable style de Huysmans, que l'on peut à la rigueur considérer comme le seul et singulier mérite de ses paradoxes can- dides, et la cacographie du pauvre Jean Lombard ! On écrirait avec autant de justesse : Victor Hugo et Petrus Borel, — Cézanne et Rousseau le douanier. Il est facile de voir que ce sont des matières qui n'intéressent M. Truc qu'à de rares et peu heureuses occasions.

Quant à Marcel Proust, « il se moque du monde », «le français pâtit chez lui. » Marcel Proust écrit un français que je souhaiterais à beaucoup de ses adversaires. Son style est un des plus neufs, des plus complets, des plus expressifs d'aujourd'hui. Faire la chasse à telles négli- gences de rédaction (^négligences, plus souvent, de correction d'épreuves) cela n'est pas sérieux. Il me sou- vient que Faguet, reprochant à Balzac de mal écrire, citait avec scandale ce membre de phrase : « les tuyaux capillaires du grand conciliabule femelle » et cela me semblait en effet du jargon. Quelque temps après je trouvai l'expression dans le roman même d'où Faguet l'avait tirée : elle faisait partie d'une métaphore de plu- sieurs lignes, soutenue, juste, où elle ne présentait plus l'ombre d'un ridicule. La critique de Faguet offrait dès lors, l'aspect d'un faux, dont, sur le moment, je fus stupéfait. Il est regrettable que M. Truc emploie en toute bonne foi un procédé qui peut donner lieu à des réflexions analogues. Citant une phrase de Marcel Proust, il souligne ceci comme exemple de jargon : « quelques sporades de la bande zoophytique des jeunes filles », qui n'est étrange que parce qu'il est isolé de l'image, abondammentdéveloppée une ou deuxpagesplushaut(i)

(i) y^ l'ombre des jeunes filles en fleurs : première édition, p. 361 ; édition en 2 voL, tome II, p. 141.

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