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NOTES 763

ces jeux. Il est plein de musique et laisse ses idées se cristalliser et se déposer en notes sur le papier.

A vingt-sept ans, son œuvre comprend de nombreuses mélodies, des compositions de musique de chambre, des œuvres symphoniques, des intermèdes lyriques, des ballets^ etc.. En vérité, je ne puis qu'admirer l'infaillible discernement de certains critiques qui ont cru pouvoir porter un jugement d'ensemble sur la musique de Milhaud et définir son style après avoir entendu à la Comédie des Champs-Elysées, le Bœuf sur le toit.

Un style? Mais il est en train d'en acquérir un et l'on peut en perce- voir dans ses compositions récentes les éléments qui s'élaborent, mais on ne saurait nier que la langue dont il se sert ne soit encore indécise et formée de mots empruntés par lui aux idiomes les plus divers. Dans Alissa^ c'étaient les termes usuels de l'impressionnisme debussyste qui dominaient; à présent ce sont les tours de phrases de Strawinsky et de Schœnberg. Au reste, que m'importent les harmonies debussyste dî'Alissa et la polyphonie strawinskiste des Choéphores, si en ces deux œuvres se manifeste un tempérament original. Avant de porter un jugement sur Darius Milhaud, il faut se souvenir qu'il s'agit d'un artiste en pleine formation, en pleine évolution, exerçant dans tous les genres une activité débordante. Alissa, les Poèmes juifs, les Choéphores^ le Bœuf sur le toit, le 2" Quatuor, Protée, autant d'œuvres qui ne pré- sentent entre elles que bien peu d'affinités et de traits communs. Darius Milhaud produit beaucoup et sans doute trop, mais on sent que cette incessante création est un besoin pour lui. C'est à nous de trier, de faire le choix, car il s'en faut de beaucoup que tout soit d'égale valeur.

« Gardez-moi de mes amif^:... » Il faut avoir les reins solides pour sup- porter le choc des lourds pavés que certains critiques lancent en guise d'éloges sur les » nouveaux jeunes ». Le plus grand tort qu'ils ont pu leur faire dans l'opinion a été de les représenter comme des compositeurs qui à vingt ans n'avaient plus rien a apprendre et pouvaient même en remontrer en virtuosité technique à un Ravel ou à un Strawinsky ! C'est absurde. Darius Milhaud, Honegger, Francis Poulenc, Louis Durey, Germaine Tailleferre, Georges Auric ne sont point des manières d'enfants prodiges. Ce sont vraiment des jeunes, avec tout ce que ce mot implique d'audace, de gaieté, d'outrance et aussi parfois d'inexpérience. Je ne dis point cela pour Milhaud qui est l'habileté même, mais plusieurs de ses camarades, qui ont vingt ans à peine, sont encore loin d'être en possession de tous les secrets du métier. Milhaud semble appartenir presque à une autre génération que ses camarades de lutte, tant sa forme est pleine, son

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