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des arts. Alain, qui accepte son enseignement, ne saurait s'en contenter.

Pour aller plus loin il construit, d'après Descartes, une théorie de l'imagination « comme fonction ou puissance humaine, mais essentiellement définie par le mécanisme et les affections du corps humain ». Cette théorie de l'imagination suppose une théorie des passions ; et toutes deux ont chance de paraître assez neuves à tout lecteur qui prendrait à la lettre la psychologie de notre temps. Non pas que celle-ci les nie en principe ; je crois même qu'elle tend à s'en rapprocher toujours plus ; mais dans les applications on dirait qu'elle les oublie ou qu'elle en prend le contre-pied. Les descriptions qu'elle nous fait de l'imagination créatrice enveloppent, en effet, deux suppositions assez conformes au préjugé commun : l'une est qu'il existe en nous des sentiments définis, dont les signes tout spontanés sont assez clairs pour que l'art les recueille et n'ait plus qu'à choisir. L'autre, « que nous gardons en mémoire des copies des choses, et que les œuvres d'art ne sont qu'une traduction, souvent même affaiblie, de telles images combinées par une élaboration intérieure ».

Double erreur, répond Alain. Car, d'une part, le sentiment sans pensée se réduit à une connaissance confuse de l'état du corps ; toute émotion est tumulte et sédition corporelle ; par suite, toutes nos émotions se ressemblent étrangement, avant qu'elles ne soient nommées et dominées. Ainsi nulle passion ne peut s'exprimer, et d'abord se définir, que par une lutte et victoire sur soi. Le mouvement libre exprime tout sans choisir, aussi bien les émotions passagères, au sujet desquelles il