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852 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

modère le désordre des passions : « Hors de rimitation réglée, et de la sympathie composée qui est politesse, il n'y a point d'Humanité à proprement parler, mais bien l'animalité seule, et même sans conscience suivie. Prenons donc la cérémonie, primitivement et toujours, comme élaboration du souvenir, du sentiment et de la pensée ; en sorte qu'il n'y a point de distinction à faire entre l'expression ou échange des sentiments et la puis- sance de les éprouver ». Cet ordre humain est le pre- mier connu, et c'est à lui probablement qu'ont été dûs les premiers arts. Mais plus bienfaisant est. l'ordre des choses, qui nous invite — selon la maxime d'Auguste Comte — à « régler le dedans sur le dehors » . Quand un ferme obstacle s'oppose à l'indétermination des pensées, alors naît le bonheur de contemplation. Mais l'ordre inflexible ne se révèle qu'en rencontrant quelque action commencée. Si l'artiste avant nous le découvre et le propose à notre joie, ce n'est pas à la faveur d'une rêverie oisive, qu'on nommerait inspiration. Il faut qu'il se fasse artisan d'abord, et qu'agissant il appuie son action à quel- que premier objet ou première contrainte de fait. Ainsi, « pour les œuvres qui naissent et meurent sans arrêt, comme la déclamation, la danse et la musique, le premier objet est le premier mouvement, qui s'orne de ce qui le suit, mais qui annonce aussi ce qui suivra le mieux. » Au reste il y a plus d'un genre de contrainte, et l'instrument y fait beaucoup, comme le violon au musicien, le ciseau au sculpteur, le crayon au dessinateur, la toile au peintre. Mais partout la méditation de l'artiste est plutôt obser- vation que rêverie, et encore mieux observation de ce qu'il a fait comme source et règle de ce qu'il va faire.

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