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notes
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citées plus haut éclairent l’esthétique mallarméenne d’un jour assez brusque.

M. Paul Valéry conclut ainsi en ces termes :

« La poésie absolue ne peut procéder que par merveilles exceptionnelles… »

C’est en somme l’aveu que cette poésie pure est une chimère d’alchimistes. L’idée d’un sublime ininterrompu en poésie est contraire à la nature. On peut dire qu’elle est inhumaine. Et cela est vrai de la surprise et des autres ressorts de la poésie, aussi bien que du sublime.

La poésie qui est humaine, est relative par définition. Cela ne veut pas dire qu’elle doive être descriptive ou didactique ; mais elle doit pouvoir être cela aussi, à l’occasion. Un art pur inspire le respect, mais on aime un art qui plaît et qui touche.

ROGER ALLARD



LES CHANTS DE MALDOROR, par le Comte de Lautréamont (à la Sirène).

La vie humaine ne serait pas cette déception pour certains si nous ne nous sentions constamment en puissance d’accomplir des actes au-dessus de nos forces. Il semble que le miracle même soit à notre portée. Du Christ nous faisons un homme comme tous les autres pour ne plus pouvoir douter de lui. Certes les religions n’ont rien d’absurde : il n’est pas de croyance plus naturelle que celle à l’immortalité de l’âme ou, du reste, à l’immortalité simple (j’ai beaucoup de peine à admettre qu’un jour mon cœur cessera de battre). Tout au plus nous élevons-nous contre l’idée d’une vérité dernière. Il arrive que des esprits, généreux pourtant, se refusent à admirer une cathédrale terminée. Ceux-là se tournent vers la poésie qui, par bonheur, en est restée à l’âge des persécutions. La religion, pense le vulgaire, « ne commande jamais de faire le mal ». Par contre ce qu’il peut