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NOTES \ 133

je l'avoue, me parut abstrait et glacé. Que Psichari eût en lui l'étoffe d'un véritable écrivain, la chose est sûre ; d'un grand écrivain, je ne sais ; mais là n'est pas la question. Il voulut être et fut un homme, un officier et un chrétien. De quelle valeur ! après l'ouvrage de Massis, le livre présent le dira. J'y trouve enfin l'explication de mon erreur : le Voyage du Centurion, d'ailleurs inachevé, quoiqu'on l'ait donné pour complet, était un livre fabriqué, sur un sujet qu'il est peut- être interdit de mettre en livre, je veux dire de transposer : la confession d'un converti. Je comprends mieux que per- sonne le scrupule de pudeur et de modestie qui poussa Psi- chari à récrire sa confession sous une forme plus voilée. Dans un cas analogue les mêmes objections m'arrêtèrent et si je passai outre, c'est que la volonté de « servir » l'emporta : je n'ai pas à le regretter. — Jamais, de son vivant, Ernest Psi- chari ne nous eût livré ce texte secret. 11 v a mis le meilleur de lui-même. C'est en somme le Voyage sous sa forme native, directe et ingénue : rien plus que le journal de route, mis au net — mais par goût de la propreté, non par coquet- terie d'artiste — que peut tenir un officier qui a des lettres, au cours d'une campagne difficile. Il écrit pour lui, non pour nous. Aussi bien ne nous fait-il grâce d'aucun nom de kzar, de puits, de tribu ( nous sommes en Mauritanie et tout est précieux au souvenir)... Aussi bien devons-nous le suivre dans des expéditions dont le but est toujours le même : dis- perser les nomades et les dissidents, les houspiller quand il le faut, recevoir leur soumission et jalonner les routes avec le drapeau tricolore, à travers les espaces mornes, sans cesse en quête d'un point d'eau potable ou de quelque décevante oasis. Mais il nous peint aussi les mœurs, la spiritualité des Maures; il nous peint la soif et la solitude — et surtout, chaque fois qu'il pense, il note ce qu'il a pensé. Or, tous ces éléments que nous offrait le « centurion » dans un ordre voulu, dans une fixité artificielle reparaissent ici à l'état de

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