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shakespeare : antoine et cléopatre
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Notre flotte toute équipée déjà se tient prête à marcher contre l'Italie et contre César.

(On voit entrer dans le fond surhaussé de la scène.) Antoine, Canidius (causant) et Cléopâtre, qui se détache d'eux et s'avance vers Enoharhus.)

Cléopatre. — Je ne te tiens pas quitte, sois en sûr.

Enobarbus. — De quoi ? De quoi ? De quoi ?

Cléopatre. — Tu as voulu convaincre Antoine qu'ici je n'étais pas à ma place.

Enobarbus. — Eh bien ?

Cléopatre. — Puisque je ne suis pas une ennemie, pourquoi n'assisterais-je pas au combat ?

Eros. — Madame, ne craignez-vous pas que votre présence n'embarrasse Antoine ? qu'elle ne prenne sur son cœur, sur son intelligence, sur son temps, alors que rien de lui ne devrait en être distrait. On l'accuse déjà de légèreté et je puis vous dire qu'à Rome d'où je viens, on va racontant que cette guerre est menée par Photius, par Mardian l'eunuque et par vos femmes.

Cléopatre. — Que Rome crève et que pourrissent les langues qui jasent contre nous ! J'ai moi aussi mes charges dans cette guerre et je dois au royaume que je gouverne, d'y faire figure de soldat. Tu entends ?

Enobarbus. — Je ne dis plus rien.

(Antoine et Canidius descendent sur le devant de la scène).

Antoine. — N'est-il pas étrange, Canidius, que de Tarente et de Brindes traversant la mer Ionienne, il ait si promptement pu s'emparer de Toryna ? (à Cléopatre). Vous avez appris cela, ma charmante ?