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la scène ont autant de sens, de portée, que les plus sublimes effusions de la poésie, dès lors que l’idée nous en est venue. Il est impossible à l’homme de dire quelque chose qui n’ait point de sens ; le Serin Muet, l’Aventure céleste de M. Antipyrine sont des témoignages aussi précieux, aussi irremplaçables que le Mystère de Jésus ou que Mon cœur mis à nu. C’est moins beau peut-être, mais ce n’est pas moins essentiel. En tous cas cela ne correspond pas à une démarche, de la part de l’esprit, plus compromettante.

Est-ce à dire que la folie n’existe pas ? — Si : elle apparaîtrait nettement dans le cas d’un homme qui réussirait à s’empêcher de penser ou de sentir quelque chose, de commettre un acte envisagé, ou qui simplement — par quel miracle, on ne peut le concevoir — deviendrait capable de cette absurdité idéale : un paradoxe.

Le corollaire immédiat de ces principes est que le langage n’a aucune valeur fixe et définitive : « Avant tout, écrit André Breton, nous nous attaquons au langage qui est la pire convention. On peut très bien connaître le mot Bonjour et dire Adieu à la femme qu’on retrouve après un an d’absence. » C’est une superstition que de croire chaque mot à chaque idée pour toujours enchaîné et recevant d’elle seule son pouvoir. Un mot peut très bien surgir d’un état d’esprit auquel son sens abstrait ne correspond en aucune façon : l’exprimera-t-il moins, cet état d’esprit, pour ne le signifier pas ? La véritable exactitude, pour l’écri-