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374 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

infinie, et non celle de l'amour ; elle transforme à son gré les imperfections en beautés, interprète les données des sens suivant l'idéal que nous nous proposons, de telle sorte que nous le réalisons toujours à coup sûr, anéantit en nous les préoccupations étrangères à l'idée qui nous domine et simplifie cette psychologie trop complexe, obstacle à la grandeur de nos actions. Ainsi, par un double travail dont l'effet paraît immanquablement, le désir modifie l'univers et nous-mêmes, qu'il embellit d'un même élan. Sans que je m'étende autrement sur des détails difficiles à pousser à la lumière dans la situa- tion où nous sommes, tu sauras apercevoir ici quelle méthode d'exaltation je viens de mettre à ta portée en te dotant de quelques principes généraux. Le désir seul, n'en doute pas, me fait si belle et te transfigure à ce point que tu devines une danse dont tu ignorais tout, et que les hommes font cercle pour t'admirer, encore que le plus souvent tu passasses pour peu plaisant à voir. Ne te sens-tu pas confondu par l'élégance concertée de nos mouvements. Les figures que nous dessinons ici gardent ce caractère hautain des conceptions les plus pures de l'homme, bien que l'unique sensualité nous guide vers un point final, facile à prévoir. Le souci de la composition ne saurait mieux balancer nos atti- tudes respectives, car tout naturellement le désir nous conduit à la beauté. L'accord qui paraît entre nous mène graduellement chacun à ne plus contempler que l'autre. Ainsi sur ces peintures de la comédie italienne, deux danseurs très grands et tenant la toile presque entière compensent leurs gestes respectifs, tandis que tout au bas du tableau on aperçoit minuscule et loin-

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