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shakespeare : antoine et cléopatre
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César un emploi ; mais ils n'ont pas sa confiance. J'ai mal agi ; je m'en accuse sincèrement et sais que désormais je ne connaîtrai plus la joie.

(Entre un soldat de César.)

Soldat. — Enobarbus, Antoine vous a fait expédier tous vos trésors, et qu'ont encore grossis ses largesses. Son messager est venu sous ma garde ; dans votre tente il décharge à présent ses mulets.

Enobarbus. — Va ! Je te fais cadeau de ce qu'ils portent.

Soldat. — Vous croyez que je plaisante, Enobarbus ; mais je vous dis la vérité. Vous feriez même bien d'escorter le messager jusqu'à la sortie du camp ? Je l'aurais fait moi-même si l'on ne m'attendait pas à mon poste. Votre empereur continue à se conduire en véritable Jupiter.

(Il sort.)

Enobarbus. — Ah ! Je suis l'être le plus abject de la terre, et je le sens comme pas un. Antoine, grand cœur intarissable, comment aurais-tu payé mon bon service, si tu couronnes d'or ma vilenie. Ceci gonfle mon cœur. Si le remords ne suffit pas à le briser, nous chercherons quelque moyen plus prompt. Mais le remords y suffira, je le sens. Que contre toi, moi je combatte ? Non, non. Je veux chercher quelque fosse où pourrir. La plus immonde est la mieux assortie à cette conclusion de ma vie.

(Il sort. Entrent en tumulte des soldats ; tambours et trompettes.)

Agrippa. — Il faut battre en retraite, nous nous sommes engagés trop avant, César lui-même a de la