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LES PINCENGRAIN 585

était l'objet de la part de sa mère et de sa sœur, à cause de lui. Godeau expliqua :

« Elles sont jalouses de moi, parce que vous m'ai- mez trop. Si je prends des confitures, elles enlèvent le fromage ».

A ce moment, madame Pincengrain appela Godeau :

— « On ne sait pas toujours bien agir, monsieur Go- deau. Godichon en est mort. La vie est difficile. Mon père, un vieux soldat de Napoléon, avait coutume de dire qu'il y faut souvent changer son fusil d'épaule. Je vous demande pardon, monsieur Godeau ; j'ai manqué d'égards envers vous et de bonté ces derniers mois, aux desserts. Tout le fruit de la douceur universelle que j'eus pour vous, durant trois années, est perdu. Vous ne vous souviendrez jamais que du mal que je vous ai fait ; et comme j'étais devenue méchante ! Ah ! si vous aviez connu mes jours de grande douleur, comme j'étais digne ! Je ne sais pas si j'ai cru à Dieu jamais. Bien peu des dévots mêmes y croient. Mais durant trois années j'ai cru en vous et que vous m'éleviez au-dessus de Godichon. Si vous n'êtes pas fidèle, il n'est pas possible qu'un autre le soit. Véronique va être seule au monde, monsieur Godeau, et vous êtes bien seul... »

Une quinte de toux, un évanouissement interrom- pirent les conclusions. Godeau essaya d'échapper aux inviolables promesses qu'on peut faire à l'oreille d'une mourante.

VII

Véronique causait avec Godeau.

— « Véronique ! » appelle sa mère.

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