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Les deux derniers romans de M. Jaloux, Fumées dans la Campagne et Au-dessus de la Ville, sont ceux de ses ouvrages qui témoignent de plus de maturité, de l’idée la plus haute (et, pour le dernier, la plus sévère), qu’il se soit faite de son art. Il ne s’est donc pas engagé dans la voie de la facilité, et la courbe lente et assez régulière de son œuvre nous montre que nous pouvons espérer encore au moins une autre Fumées. C’est plus qu’il n’en faut pour faire une belle destinée de créateur d’âmes.

ALBERT THIHAUDET

LA NÉGRESSE DU SACRÉ-CŒUR (et quelques monstres aimables et cruels), par André Sahiion (Editions de la Nouvelle Revue Française).

Il faut avoir vécu avec intensité à Montmartre, ce repaire des mauvaises habitudes et des penchants dangereux pour savoir à quel point la négresse du Sacré-Cœur est une fille aux attitudes consolantes et combien les personnages de sa cour sont dignes, pour la plupart, de la fin brutale que l’auteur leur départit. Muniu, le frère O’ Brien, cet étonnant planteur, flibustier honnête, l’allemand voué dès sa naissance au régiment étranger de Saïda, et cette petite fille, semblable à toutes celles qui fleurissent les alentours de la rue Saint-Vincent, sont autant d’ornements pour les beaux cortèges sentimentaux d’un poète qui n’est pas toujours tendre. Echappés d’un monde réel comme il est donné aux plus lourds de le contempler, ils dansent leur vie aux limites d’une merveilleuse aventure mal définie pour chacun d’eux. Car l’aventure que Salmon pouvait concevoir au-delà des proportions montmartroises est ramenée par ses personnages aux fatalités tragiques d’une comédie dont les acteurs et les arlequins en casquettes sont dessinés par Picasso, plus exactement comme Picasso dessinait il y a quinze ans.