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l'enseignement de CÉZANNE 653

unique, digne des plus grands maîtres, obtenue avec le minimum de pâte. La légèreté d'une aquarelle chinoise, la profondeur d'un épais Rembrandt. Nul discours n'eût pu, mieux que la présentation de ces deux toiles, nous ser\àr d'enseignement. Entre l'œuvre du début, lourde et terrestre, et celle de la maturité, rayonnante et subli- misée, le chemin parcouru par cette sensible intelligence se dessinait avec netteté. Il est inconcevable que les organisateurs de cette exposition, et certains des expo- sants même n'aient pas mieux vu que Cézanne incarne la victoire de l'esprit sur la matière.

Pour qui l'essentiel du devoir artistique accompli par Cézanne s'affirme tel, il ne lui reste qu'à parcourir, selon son endurance physique personnelle, les étapes du dan- gereux voyage, et, partisan résolu d'un art spiritualiste, de demander aux œuvres du Maître le secret d'une des plus grandes réussites d'évasion terrestre que l'esprit humain ait jamais réalisées. Par quel moyen ce peintre arriva- t-il à dépouiller ses œuvres de cette couche d'humus, de cette crasse qui entoure toute production imparfaite ? Ce Méditerranéen vibrant et modeste qui, à la suite des grands maîtres français, célèbre le mariage du « style » italien et de la bonhomie flamande, opéra- t-il le miracle grâce à une passive obéissance aux procé- dés de Venise ou d'Amsterdam ? Non : les moyens employés par Cézanne offrent avec une rigueur pro- gressive un démenti absolu à ceux des maîtres classiques. Et cependant ses œuvres, à la suite des leurs et sur le même plan, se placent avec majesté. Je vais essayer de démontrer qu'elles sont, comme leurs aînées, le fruit du même rythme créateur, et que la poussée qui les déter-

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