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l'enseignement de CÉZANNE 667

— si l'on veut se donner la peine de chercher — les mêmes repères qui, comme des rimes plastiques, les jalonnent. Le tableau devient ainsi un merveilleux champ d'expériences. La poésie qui s'en dégage provient, autant que de la couleur, et plus que du sujet, de ce qu'il demeure le témoin et l'arbitre d'un jeu aussi cérébral que sensible. J'entends ricaner quelques leaders impres- sionnistes : « Jeu de puzzle. » Mais oui, certainement : Jeu. Jeu d'autant plus enivrant qu'on ne sait jamais quand il cesse d'être un divertissement pour devenir un grave exercice ; jeu qui permet la seule fantaisie licite et qui, si l'âme de l'artiste est puissante et noble, reflétera tou- jours cette émotion de nature qui n'aura jamais cess.é de l'animer secrètement. Car le travail de Cézanne ne cesse pas d'être un eflbrt d'introspection. Grâce à ses décou- vertes admirables, les féeries indécises qui naissent en notre conscience au choc d'une émotion trouvent le chemin de leur extériorisation avant leur rapide évapo- ration.

Pour résumer la méthode de Cézanne, on doit la divi- ser en deux temps. D'abord le peintre, au contact d'un spectacle, éprouve une émotion d'ordre essentiellement plastique : il démêle sous les apparences l'existence d'un ordre caché qui suscite en sa conscience une construction géométrique adéquate. La sensation remplace l'inspiration au sens classique et demeure investie des mêmes pou- voirs. Le premier travail, direct, spontané, consiste à nourrir de matériaux colorés, renfermant l'essentiel de l'objet envisagé, le fugace édifice de la sensation. Le second travail qui a lieu à tête reposée consiste à sou- mettre à un rythme mécanique — reflet du rythme

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