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SI LE GRAIN NE MEURT... 75 J

bas sur le front, plaques, luisants de pommade, et la La Vallière couleur de sang ; il dirigeait la bande, et celui-là vraiment voulait ma mort. Certains jours je rentrais dans un état pitoyable, les vêtements déchirés, pleins de boue, saignant du nez, claquant des dents, hagard. Ma pauvre mère se désolait. Puis enfin je tombai sérieusement malade, ce qui mit fin à cet enfer. On appela le docteur : j'avais la petite vérole. Sauvé !

Bien soignée la maladie suivit son cours ordinaire ; c'est-à-dire que j'allais être bientôt remis sur pied. Mais à mesure qu'avançait la convalescence et qu'approchait l'instant où je devrais reprendre le licol, je sentais une affreuse angoisse, faite du souvenir de mes misères, une angoisse sans nom m'envahir. Dans mes rêves je revoyais Gomez le féroce ; je haletais poursuivi par sa meute ; essuyais à nouveau contre ma joue l'abominable contact du chat crevé qu'un jour il avait ram,a!^é dans le ruisseau pour m'en frictionner le visage, tandis que d'autres me tenaient les bras ; je me réveillais en sueur, mais c'était pour retrouver mon épouvante en songeant à ce que le docteur L*** avait dit à ma mère : — dans peu de jours je pourrais rentrer au lycée — alors je sen- tais le cœur me manquer. Au demeurant ce que j'en dis n'est nullement pour excuser ce qui va suivre. Dans la maladie nerveuse qui succéda à ma variole, je laisse aux neurologues à démêler la part qu'y prit la complai- sance.

Voici je crois comment cela commença : Au premier jour qu'on me permit de me lever, un certain vertige faisait chanceler ma démarche, comme il est naturel après trois semaines de lit. Si ce vertige était un peu plus fort.

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