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824 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

donnait alors de leçons qu'à ses pensionnaires, c'est-à- dire qu'à moi et qu'à deux demoiselles anglaises qui, je crois, payaient surtout pour le bon air et la belle vue. M. Richard, à vrai dire, n'était pas professeur ; ce ne fut que plus tard, qu'ayant passé son agrégation, il obtint un cours d'allemand dans un lycée. C'est au pastorat qu'il se destinait d'abord et pour quoi il avait fait, je pense, d'assez bonnes études, car il n'était ni paresseux, ni sot ; puis des doutes ou des scrupules (les deux ensemble plus vraisemblablement) l'avaient arrêté sur le seuil de l'église. Il gardait de sa première vocation je ne sais quelle onction du regard et de la voix, qu'il avait naturellement pastorale, je veux dire propre à remuer les cœurs ; mais un sourire tempérait ses propos les plus austères, mi-triste et mi-amusé, et je crois presque involontaire, à quoi l'on comprenait qu'il ne se prenait pas lui-même bien au sérieux. Il avait toutes sortes de qualités, de vertus même, mais rien dans son person- nage ne paraissait ni tout à fait valide, ni solidement établi ; il était inconsistant, flâneur, prêt à blaguer les choses graves et à prendre au sérieux les fadaises — défauts auxquels, si jeune que je fusse, je ne laissais pas. d'être sensible et que je jugeais en ce temps avec peut- être encore plus de sévérité qu'aujourd'hui. Je crois que sa belle-sœur, la veuve du général Bertrand, qui vivait avec nous rue Raynouard, n'avait pas pour lui beau- coup de considération ; et cela m'en donnait beaucoup pour elle. - Femme de grand bon sens et qui avait connu des temps meilleurs, il me paraît qu'elle était la seule personne raisonnable de la maison : avec cela beaucoup de cœur, mais ne le montrant qu'à la meilleure

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