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SAINT MARTIN 855

C'est fini, la guerre est finie, et l'ennemi est là devant lui tout ouvert, et le terme sans aucune joie est atteint.

L'espérance a été pour les morts, la paix est à jamais pour les morts, et pour lui,

Neuf jours après le Jour des Morts, cette victoire qu'on lui dit qu'il a gagnée dans le brouillard et dans la nuit.

Le voilà donc, pendant qu'on se battait ces cinq ans, et du même mouvement toujours, ce grand fleuve là- bas qui ne cessait pas de couler entre la terre et le ciel.

Le soldat le regarde tout blanc sous la lune qui brille comme une grande loi solennelle,

La grande Règle de Dieu éternelle qu'on aperçoit par moments toute brillante à travers la nuit et le brouillard.

Mais ce qu'il a donné, ce que tous ces morts derrière lui ont donné, il sait que ni la paix ni la victoire,

Ni cette terre qu'on lui a rendue comme une épouse dans la nuit, ne l'explique, ni ce grand Fleuve à toutes les portes de son âme tant désiré,

Ni la potasse, ni le fer, ni le charbon, ni l'or, ne pour- ront le lui payer.

Le sang qu'il a répandu, toute la terre ne suffirait pas à l'étancher !

Le canon sur tout le front s'est tu, et la poussée pré- parée s'est dissoute, et le cri dans la gorge s'est défait.

Il y a un terme qui secrètement est atteint, il y a un compte qui se trouve réglé, il y a quelque chose d'obscur qui est satisfait.

L'homme ne sait rien, sinon que son sang a coulé : et sinon cela que le sang de la France a coulé, et que son âme s'est séparée en deux et que le sang a coulé d'elle- même comme un fleuve !

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