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né LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

M. Maurrasestde par sa naissance provençal, ici du moins nous touchons à un fait solide ! Mais M. Thibaudet suppose que la chaleur du soleil et la limpidité de l'air du midi ont contribué à communiquer à son style la dureté et les contours arrêtés du réel. Dans l'esprit de M. Thibaudet, le mystique et le vague vont de pair avec les brouillards du Nord ; le sens plastique et les facultés de précision, de construction et de réalisation qui l'accompagnent, s'associent par contre, dans son esprit, avec le clair soleil de la Méditerranée. A ce sujet, nous rappelons, non sans une pointe d'ironie — car ce que nous allons dire cadre mal avec l'idée que M. Maurras s'est faite du génie de sa terre natale — que le grand Saint, auquel la France prêta son nom, trouva la source de son idéalisme mystique et individualiste dans cette même terre de Provence, qui, alors, était le pays de la chevalerie, avec tout ce qu'elle avait de nébuleux et de mys- térieux, et qui ainsi fut le point de départ de cette renaissance gothique, qui se répandit sur l'Italie, et qui devait trouver son point culminant dans l'œuvre de Giotto et du Dante. Après tout, ce qui, pour Paris, signifie Midi, vu de Florence et de Rome, signifie Nord, et nous sommes convaincus qu'aujour- d'hui encore, l'atmosphère de la Provence se prête au moins autaryt à la poésie qu'à la précision. M. Maurras, nonobstant le culte qu'il a voué à Mistral et aux Félibres, est un produit de Paris et des sophistications, qui y ont pris naissance. Ce qui a rendu possible la grande œuvre de Mistral, c'est de les avoir évités.

Terre de France comporte une idée sur laquelle personne ne voudra chicaner. M. Maurras est de tout son être un nationa- liste, c'est la source de sa popularité. L'amour de la France, même si cet amour revêt des formes romantiques et perverties, exerce un attrait irrésistible sur tout Français. M. Maurras pourra même s'attaquer à la République : il suffit que son thème, auquel il revient sans cesse, soit que la France, si elle n'avait pas adopté la constitution républicaine, serait la première nation du monde, et que bien qu'elle l'ait fait, elle est encore virtuelle- ment la première. Le Français, en général, est encore moins disposé à être satisfait de son gouvernement que nous ne le sommes du nôtre ; et celui qui se fait fort de lui dire ses véri- tés, il l'aime comme peut être aimé un Léo Maxse, exclusive-

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